L’école est aujourd’hui pleinement concernée par les débats qui agitent la France au sujet de la laïcité. Par son histoire, le Collège Sévigné, fondé en 1880 pour promouvoir l’éducation des jeunes filles, se devait de réfléchir sur ce qui est au coeur même de sa propre fondation, puisqu’il a été conçu d’emblée comme établissement privé laïc, ce qui le distinguait, avec l’École Alsacienne, des autres institutions privées françaises et lui conférait une véritable modernité.
Mais la laïcité d’hier est-elle celle d’aujourd’hui ? Le terme lui-même est-il si clair ? On le sait, d’un point de vue étymologique, le terme laicus, lui-même issu du grec, signifiait en latin « commun, ordinaire, qui est du peuple ». Au XIe siècle, il donne le mot « lai » (au sens d’illettré) et s’oppose à clericus (du clergé, au sens de « savant »). Au XIXe siècle, il fait référence à une forme d’organisation sociale et politique qui trouve en particulier, en France, une traduction dans la fameuse loi de 1905. Mais celle-ci n’était qu’une étape, n’avait pas fait consensus au sein même de la gauche et reste l’objet de controverses quant à son interprétation ; on voit ainsi s’opposer dans le débat public, par exemple, les tenants d’une laïcité plurielle à ceux qui défendent une vision plus exclusive. Un point pourtant paraît clair : s’il y a une spécificité française, on peut aussi poser que le concept de laïcité, supposant une séparation de la sphère temporelle et de la sphère religieuse, est partagé partout en Europe et en Occident, même si ce n’est pas le même mot qui est utilisé, même si les modèles de relation entre le religieux et le politique sont différents selon les pays. La question reste ainsi ouverte dans bon nombre de démocraties qui déploient plusieurs relations Église-État.
L’objectif de cette journée est de s’interroger sur les modèles historiques et contemporains qui permettent aujourd’hui de penser la laïcité en tant que modèle d’organisation politique des démocraties. La question est aussi de savoir, plus concrètement, comment et pourquoi appliquer le principe de la laïcité dans l’école d’aujourd’hui. Quels en sont exactement les enjeux ? Car le problème ne se pose pas seulement du point de vue de la tenue vestimentaire, des menus de cantine ou, plus globalement, des signes/comportements religieux dans les classes. Il se pose aussi dans la relation de chacun face à la transmission du savoir. Faut-il développer un enseignement moral explicite ? Ou bien les valeurs de la république laïque se transmettent-elles, pour ainsi dire de manière oblique, à travers les enseignements disciplinaires traditionnels ? Autrement dit, y a-t-il une conception laïque de la transmission et même de la production du savoir ? Et si oui, comment la garantir ?
Modérateur : Jean-Pierre de Giorgio (Collège Sévigné / U. Blaise Pascal)